En France, nos journaux et une partie de notre classe politique ânonnent déjà en chœur que notre société devrait s’inspirer du modèle inégalitaire américain au motif que ce dernier aurait apporté, par l’ascension de Barack Obama, la démonstration pleine et entière de sa supériorité sur le modèle français.
Si Barack Obama est élu, nous assisterons vraisemblablement à une vaste offensive de la part de tous ceux qui, de France comme depuis l’étranger, tentent de faire disparaître ce qu’il reste à la France de son âme ; ce qui en somme représente l’incarnation de son histoire. Lorsque je mentionne l’étranger, je vise justement les États-Unis d’Amérique. Nos banlieues sont un de leurs terrains d’action : ils y investissent pour enraciner, chez les jeunes de l’immigration maghrébine et africaine, le culte de leur modèle communautariste, dans l’espoir que ces jeunes porteront un jour, à tous les niveaux du monde politique, le combat contre les principes républicains qui fondent la France.
Pourtant, l’histoire récente nous a démontré que les Américains ne voyaient parfois pas plus loin que le bout de leur nez (Afghanistan, Irak) ; mais qu’à cela ne tienne ! Ils éprouvent manifestement encore de sérieuses difficultés à tirer les enseignements de leurs échecs, et continuent de voir le reste du monde comme un ennemi potentiel, d’où leur stratégie qui consiste à toujours diviser pour mieux régner, y compris à l’intérieur de pays amis de longue date tels que la France. Existe-t-il un seul homme politique français qui se soit élevé contre cette inadmissible infiltration de notre territoire, des plus dangereuses pour notre avenir à tous ? Pas à ma connaissance !
Je lis et j’entends beaucoup d’interventions qui vont dans le même sens : ce serait bien qu’un Noir soit élu, et si les Américains n’élisaient pas Barack Obama alors ce serait, à coup sûr, qu’ils sont majoritairement racistes ! C’est également ce qu’ont professé les élites américaines tout au long de ces dernières semaines. Comment oser dire ensuite que le vote se sera fait en totale conscience, et aucunement soumis à la pression de l’esprit de repentance ? Imaginez un seul instant que d’aucuns se permettent d’émettre l’opinion que c’est un Blanc qu’il faudrait élire… Comment les « élites » ne prennent-elles pas conscience que ce sont elles qui adoptent des comportements racistes, en considérant l’autre par le biais de sa couleur de peau ou du degré de frisure de son cheveu ?
Édito du journal le Monde, le 3 novembre : « Mais, pour amorcer le redressement, le démocrate Barack Obama nous paraît beaucoup mieux placé que le républicain John McCain. Plusieurs raisons à cela. La première tient à l'humeur du pays : l'arrivée d'un Métis de 47 ans à la Maison Blanche serait un signe de confiance de l'Amérique en elle-même, en ses valeurs les plus hautes, en sa capacité à surmonter le drame majeur de son passé - le racisme et l'esclavage. Ce serait déjà beaucoup, et tiendrait lieu d'exemple bien au-delà des États-Unis […] Mais un Barack Hussein Obama, par sa seule personnalité, serait beaucoup plus en phase avec un monde dont l'Occident n'est plus le centre économique et politique - un monde plus métissé. »
Hervé Morin, ministre de la défense, le 29 octobre sur Canal+ : « Les États-Unis montrent quelque chose que la France n’est pas capable de faire. C’est, premièrement, de porter à la magistrature suprême un Noir là où nous ne sommes pas capables dans notre pays d’avoir un seul député issu de l’une des minorités visibles, comme on les appelle, et les États-Unis démontrent qu’ils ont une capacité de promotion sociale, d’ascenseur social et d’égalité des chances absolument extraordinaire. Il y a à la fois de grandes inégalités, mais c’est un pays qui est capable de pouvoir transcender un certain nombre de réticences que dans notre pays on a bien du mal à évacuer. »
Ce ne sont que quelques exemples d’interventions parmi tant d’autres, comme celle de Rama Yade sur Canal+ : « Il n’y a pas de députés, à part George Pau-Langevin mais elle est Antillaise, bon ! » Traduisez : George Pau-Langevin ne compte pas, car elle n’est pas une vraie Noire… Mais pour qui se prend Rama Yade, qui vient régulièrement blâmer la France, elle qui, débarquée à l’âge de 8 ans, n’a dû sa fulgurante ascension qu’à son appartenance à la « diversité », comme l’a exprimé Nicolas Sarkozy ? Quand les Français de souche comprendront-ils que dans l'intérêt de tous, ils ne doivent plus accepter de se laisser flageller ?
Alors, à tous les VRP de l’ignorance qui abondent dans la facilité du superficiel et de la légèreté d’analyse, je dédie ces extraits du discours de Barack Obama au sujet du modèle américain. Qu’ils en prennent de la graine !
Mais avant de vous laisser lire ces passages de son discours, une dernière observation : je n’ai véritablement aucun parti pris dans l’élection américaine, mais selon de nombreux observateurs, Barack Obama devra sa probable élection au fait que la société américaine n’était pas prête à élire une femme. Pour mémoire, le Pakistan avait su confier les rênes de son destin à Benazir Bhutto. Méfions-nous donc des jugements à l’emporte-pièce…
Barack Obama, Philadelphie, le 18 mars 2008 : « J’ai choisi de me présenter à la présidence à ce moment de l’histoire parce que je crois profondément que nous ne pourrons faire face aux défis de notre temps sans que nous ne les résolvions tous ensemble – sans que nous ne perfectionnions notre union en comprenant que nous pouvons avoir des histoires différentes mais que nous avons des espoirs communs ; que nous pouvons ne pas nous ressembler et que nous pouvons ne pas venir du même endroit, mais que nous voulons tous aller dans la même direction – vers un avenir meilleur pour nos enfants et nos petits-enfants. Cette croyance vient de ma foi inébranlable dans l’intégrité et la générosité du peuple américain. Mais elle vient aussi de ma propre histoire américaine. […]
C’est une histoire qui ne fait pas de moi le plus conventionnel des candidats. Mais c’est une histoire qui a imprimé dans mes gènes l’idée que cette nation est plus qu’une somme de ses composantes – à partir de cette multiplicité nous sommes véritablement un. Durant la première année de campagne, contrairement à toutes les prédictions, nous avons vu combien le peuple américain avait soif de ce message d’unité. En dépit de la tentation de voir ma candidature à travers le prisme purement racial, nous avons remporté des victoires décisives dans des États avec quelques-unes des plus importantes populations blanches du pays. […]
Et cependant ce n’est qu’au cours des deux dernières semaines que le débat sur la race a pris une tournure particulièrement décisive. À l’une des extrémités du spectre, nous avons entendu que ma candidature ne serait qu’un exercice de discrimination positive (affirmative action) ; qu’elle serait basée sur le désir de libéraux idéalistes d’obtenir une réconciliation à bon marché. À l’opposé, nous avons entendu mon ancien pasteur, le révérend Jérémiah Wright, utiliser un langage incendiaire pour exprimer des vues qui peuvent approfondir la fracture raciale mais qui dénigre la grandeur et la bonté de notre nation ; cela offense véritablement autant les Noirs que les Blancs.
J’ai déjà condamné, en termes sans équivoque les déclarations du Révérend Wright qui ont causé cette controverse […] Au contraire, elles expriment une vue déformée de ce pays, une vue selon laquelle le racisme blanc est endémique […]
Ainsi, les propos du Révérend Wright n’étaient pas seulement faux mais diviseurs, diviseurs à un moment où nous avons besoin d’unité ; ils étaient racialement chargés à un moment où nous avons besoin de résoudre ensemble des problèmes énormes […]
En fait une colère similaire existe dans certains secteurs de la communauté blanche. Beaucoup de Blancs de la classe ouvrière et de la classe moyenne ne ressentent pas qu’ils ont été particulièrement privilégiés par leur race. Leur expérience est celle d’immigrants – en ce qui les concerne personne ne leur a rien donné. Ils ont construit de leurs propres mains. Ils ont travaillé dur toute leur vie, et souvent pour voir leur emploi partir au delà des mers ou leur retraite disparaître après une vie entière de travail. Ils sont anxieux de l’avenir et voient leurs rêves s’évanouir ; dans une époque de salaires bloqués et de compétition globale, les opportunités apparaissent comme un jeu de sommes nulles, dans lequel vos rêves se forment à mes dépens. Ainsi quand on leur dit d’envoyer leurs enfants à l’école à l’autre bout de la ville, quand ils entendent qu’un Africain Américain a obtenu un bon emploi ou une place dans un bon collège en raison d’une injustice qu’ils n’ont pas commise (la discrimination positive), quand on leur dit que leurs peurs à propos de la criminalité dans les quartiers urbains relèvent de préjugés, leur ressentiment s’accroît. De même que parfois dans la communauté noire, ce ressentiment n’est pas toujours exprimé de manière policée. Mais il a façonné le paysage politique depuis au moins une génération. La colère envers l’aide sociale et la discrimination positive a aidé à forger la coalition de Reagan. […]
Et pourtant, repousser les ressentiments des Américains blancs, les stigmatiser comme mal orientés et même racistes, sans reconnaître qu’ils sont enracinés dans des soucis légitimes – cela aussi approfondit la division raciale et bloque le chemin de la compréhension.
Voilà où nous en sommes aujourd’hui. C’est une impasse raciale dont nous sommes prisonniers depuis des années. […] »